songes-timides

Pensées d'une introvertie.

Jeudi 5 juin 2014 à 13:14

Grossophobie, fat-shaming.... qu'est-ce que c'est ? Le nom paraît caricatural.
La grossophobie désigne toute cette gentille petite mignonne petite discrimination, pas méchante parce qu'on la voit tous les jours et qu'elle est si bien implantée chez nous. La grossophobie c'est la question de faire payer 2 tickets d'avion à un obèse parce qu'il prend trop de place, c'est toutes ces images et vidéos "fail" qui disent "haha riez, regardez ce gros porc qui tombe et rebondit comme un ballon!".
C'est ces remarques désobligeantes à table que la famille ou les proches, ô combien parfaits, se permettent "pour notre bien". Les régimes forcés, le poids des regards quand on se sert ou qu'on met de la sauce, leur "ahh ben au moins t'as un peu perdu hein ? haha je plaisante hein !" alors qu'on sort de 3 mois de dépression. C'est quand vous voyez une femme manger une glace l'été, juste comme tout le monde, et que vous dites qu'il faut pas s'étonner. C'est aussi la discrimination à l'embauche... C'est le racisme des gros, ni plus ni moins.

Bien sûr personne n'est jamais content, quand on est maigres on s'en prend plein la mouille aussi et "c'est pareil". J'étais d'accord avec ça il y a encore quelques mois mais j'ai un peu changé d'avis aujourd'hui. Ca va pas autant de soi, c'est pas aussi intégré et courant (pour l'instant). Dans notre société, à choisir, il vaut toujours mieux être maigre qu'être gros. Si vous en doutez faites le tour des arrêts de bus en bas de chez vous et faites moi signe quand vous voyez la photo d'une femme qui fait plus d'un 36. Mais le body-shaming sur les maigres existe bel et bien, et je vais y venir.

En fait, ce qui fait la différence  et qui me donne envie d'écrire sur la grossophobie, c'est cet espèce de consensus général, qui dit que pas mince = gros = obèse = mauvaise santé (en plus d'être laid), et plus que tout cette excuse de "combat contre l'obésité". C'est vrai jusqu'à un certain point, mais aujourd'hui la limite entre pas mince et gros devient de plus en plus floue et les remarques "pour notre santé" sont, la plupart du temps, très ambigües. C'est ce déguisement qui me dérange, et je crois pas que tout le monde s'en rende compte, la discrimination envers les gros est quand même très ouverte.

Je m'aperçois aussi que le mot gros renvoie à un tas de choses qui n'ont rien à voir. 
Ca véhicule l'image de quelqu'un qui se laisse aller, qui n'a pas de volonté, qui est feignant, sale, passe son temps à se gratter le bide devant la télé, ne bouge jamais, se complaît dans son état... Etre gros normalement n'est pas une insulte, c'est un adjectif, quand on pèse 80kg pour 1m60 on est gros, on va pas dire qu'on est mince, et ce n'est pas sensé être péjoratif. ..

Personnellement je les vis dans la vie de tous les jours ces insinuations (parfois carrément ouvertes en fait) alors que mon IMC a toujours été pile dans la normalité ( j'ai pris beaucoup de poids ces 6 derniers mois, en effet aujourd'hui je suis en surpoids).
Et forcément, cette stigmatisation, cette discrimination qui a tellement le dessus dans notre culture commence à mettre en colère et cette colère accouche de l'extrême opposé. Allez voir la photo d'une fille en sous-vêtements et vous verrez qu'il y a de plus en plus de commentaires (souvent laissés par des filles allez savoir pourquoi!) du type "beurk l'anoréxique, vas bouffer", ou "ah ouais ça vous plaît les petites filles ?
"Maigre" est chargé d'autant de supposés péjoratifs que gros. Ca renvoie à la maladie, et puis à la féminité, pas de seins, pas de formes, ça renvoie aussi à l'infertilité. Quand on dit à une fille qu'elle est trop maigre, on lui dit qu'elle n'est pas femme. Ca sous-entend d'être dépressive, de ne pas se nourrir. C'est la mauvaise santé physique et psychologique.

Ca s'appelle des stéréotypes. Etre casé dans un stéréotype est désagréable pour tout le monde. Oui il y a des filles malades et volontairement maigres et en mauvaise santé, oui il y a des gros dégueulasses qui se gavent H24 au fond de leur fauteuil. Mais tout le monde ?
 

Mardi 3 juin 2014 à 14:40

C'est le premier sujet qui me tient à coeur, et j'aimerai ouvrir cette catégorie en faisant part d'une expérience.

En ce qui me concerne, j'ai toujours été au moins grassouille, pulpeuse, voire au bord du surpoids (IMC parlant). J'ai pas été mince depuis mes 9 ans. Mais j'ai pas été non plus franchement "grosse". Je passe la difficile période du collège et des vestiaires et des connasses qui les peuplaient, les remarques blessantes, les insultes; c'étaient des con(ne)s. Comme presque toute ado un peu dodue qui s'en prend plein la tronche toute la journée, j'ai été très complexée les premières années; de la bonne vieille métalleuse qui reste en veste et baguy sous 36° sur la plage alors que tous les copains sont à l'eau, à l'ado qui accepte le tee-shirt, puis l'année d'après qui veut bien se baigner mais qui lache sa serviette XXXXXL au bord de l'eau, je suis finalement, depuis mes 16 ans, bien dans mon corps; j'ai compris que quand on est grosse, deux choix : soit si on est vraiment pas bien, on se met au sport et on arrête le Coca jusqu'à être à l'aise, soit si c'est trop dur... ben c'est que finalement c'est pas tellement une priorité et donc il reste plus qu'à s'accepter tel quel.
Mais malheureusement à 14 ans j'ai un peu sombré. Je ne dirai pas avoir fait de l'anoréxie, ou en tout cas c'était juste une passe. Et je me souviens très bien de cette période :

J'ai eu beaucoup de problèmes dans mon passé, une enfance bien chargée, et un début d'adolescence... désastreux. Et à ce moment, à 14 ans, j'avais plus spécialement de problème dans ma vie si ce n'est que j'étais très seule et que le collège était un calvaire. J'étais la Morticia du collège, la sataniste, la moche, celle qui se coupe les veines, on me balançait des graviers à l'entrée, on m'insultait sans vergogne sur mon apparence, la famille me faisait complexer et je fondais en larmes dès qu'on me faisait la moindre remarque à table, je me faisais tabasser dans les couloirs, je me faisais toucher, BREF j'étais une grosse victime et malheureusement plus on est fragile plus ou nous blesse, plus on est blessés plus on a l'air fragile. Je suis donc passée par une étape que j'appellerai "je suis mal dans ma peau on me persécute tous les jours je dégoute tout le monde je veux être invisible", ou encore "ah ouais c'est comme ca ? et ben regardez ce que je vais faire vous allez vous en mordre les doigts, c'est vous qui êtes coupables de ce qui m'arrive et je vais vous le montrer" => -14kg en 2 mois et demi. Ma recette ?

- 400 abdos par jour (oui, 100 le matin, 100 à midi, 100 au gouter, 100 le soir) + 1h30 de gym de chambre vous savez ces exercices à deux balles qu'on trouve sur internet. J'avais ma routine quotidienne, et mes punitions.
- un carnet de calories : je m'en autorisais moins de 100 par jour (pour vous donner une idée, un flamby fait 80kcal.
- repas dans des assiettes à dessert au départ, pour finir les deux dernières semaines à me nourrir uniquement de tomates crues.
- vomir... j'essayais en fait, je vomissais guère plus que beaucoup de salive et un peu de bille.

Je suis donc passée de 72 à 58kg, j'étais complètement apathique, je tremblais, j'étais épuisée, j'avais tout le temps le vertige, et quand je montais les escaliers du collège j'avais 2 litres de larmes qui me coulaient sur les joues alors que je ressentais pas de chagrin. Et j'ai jamais été aussi mal dans ma peau que ce court moment où j'ai pesé 58kg; j'étais vraiment sûre d'avoir exactement la même silhouette qu'a 72. Un jour j'ai eu le déclic, j'ai arrêté parce que j'ai pas été capable de soulever un verre d'eau plein sans mes deux mains. 
Personne n'a rien remarqué, ni même ma famille, ne m'a montré de compassion, ou a eu l'air de s'en inquiéter, parcontre quand j'ai repris ce que j'avais perdu on a pas oublié de me le faire remarquer. Ben ouais désolée mais je me sens mieux en fait, du coup j'ai décidé de manger et de pas me suicider à petit feu, mais si je replonge je te tiens au courant t'inquiètes...
Aujourd'hui, quand j'essaye d'en parler à mes parents ils me rient presque au nez et n'ont pas l'air de me croire en fait... Soit.


J'ai envie de me servir de cette expérience pour introduire un sujet qui me tient très à coeur, et qui porte un nom depuis peu : la grossophobie.
 

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